On peut choisir de prendre un bain de soleil bleu-orange, en pénétrant dans la salle consacrée à la période du même nom. Shayevitz y a mis en scène des couples livrés à un corps-à-corps qui est l'amour autant que la guerre. C'est à la fois dune grande rigueur d'exécution, et dune fraîcheur qui tient probablement au contraste entre ce jeu de formes - sensuelles, celles-là, malgré le carcan géométrique - et le travail plus " pesant " sur la tradition juive ou sur la Shoa. On pense à un tout petit enfant qui porte encore la trace des larmes de son dernier chagrin, et qui, déjà, rit au éclats... L'artiste, cependant, qui toujours questionne son époque et ses racines, n'opte pas sans état d'âme pour la jubilation pure. Alors même qu'on l'imagine gambadant joyeusement dans les couleurs les plus réjouissantes, il forge des visages doubles qui racontent, une fois de plus, la déchirure de l'Homme ; il façonne des moitiés désassorties et creuses et l'on y voit un témoignage inquiet de la fin d’un monde. A travers son regard on assiste à l'avènement d’un nouvel âge qui n'a pas encore de trait, juste des fractures.
Mais c'est finalement dans ses réalisations les plus récentes que Shayevitz s'est tout entier incarné ?
Côté peintures les plis et les replis des châles de prière captivent et transmettent le judaïsme rêvé du peintre une parole qui se déploie et évolue sans entraves. La facture, nettement moins narrative a gagné en personnalité. Comme si le peintre avait réinventé une certaine abstraction : une figuration recadrée pour mettre au jour un autre sens, un autre éclairage.
Côté sculptures, une danseuse alanguie dessine une arabesque, un personnage - homme, femme, enfant ? - berce gaiement une thora dans son giron, une femme pulpeuse et massive attend, ouverte et partagée entre l'impatience et l'appréhension... Une joie non béate domine l'ensemble.
Entré en peinture comme on remettrait les pieds sur sa terre natale, Shayevitz dit, à propos de son ancien métier, qu'il se résume à la recherche de la " meilleure synthèse des contraintes ". Il semblerait, au vu de ses dernières oeuvres, qu'il a réalisé la meilleure synthèse de ses libertés intérieures.

  Retour