STEPHAN SHAYEVITZ : « LE TOUR DE L'HOMME EN COULEURS »
par Carole Zalberg, écrivain 1998

Il fut architecte à Toulouse avant de comprendre qu'il avait toujours été peintre. Il bâtit des logements en Afrique avant de revenir, dans certaines de ses sculptures, à un art Nègre trempé dans sa sensibilité de juif ashkénaze. Il crut vouloir faire les Beaux-arts avant d'animer, avec l'un de ses anciens professeurs, une Académie des Arts Plastiques à contre-courant des enseignements en vogue : on y faisait l'apprentissage de la technique pour avoir les moyens de sa créativité.
Sa deuxième vie a débuté il y a quelques années lorsqu'il gagna la capitale et percha son grand atelier blanc tout en haut d’un immeuble désaffecté de Pantin. Il y habite depuis avec ses créations, exposées en permanence comme autant de repères de son évolution.
En toile de fond ou au tout premier plan, il na jamais cessé de réfléchir à la place du judaïsme dont il est une sorte de conteur en images, gentiment critique et tendrement vigilant ; protecteur aussi. Quelque chose dans son discours, dans son hospitalité tranquille, laisse penser qu'il a dû partager les enthousiasmes et les révoltes de sa génération.
Aujourd'hui, le cap de la quarantaine franchi, il a remisé la plupart de ses certitudes. Mais il na pas pour autant fait taire ses indignations, ni décidé de fermer les yeux sur un siècle qui tourne à grand fracas la page de son histoire.
Alors, ce barbu chaleureux a mis l'humanité dans son œuvre, l'humanité dans ce quelle a de plus insondable, de plus terrible et de plus merveilleux.
Tout est dit à travers des corps tantôt livrés au rythme de la prière, tantôt repliés sur le mystère d'une naissance prochaine. Tout revient à des formes toujours courbées, en défense, en méditation, en attente fébrile ou en simple abandon.
On est, dans l'atelier du peintre, face à une fresque morcelée : chaque phase créative vient compléter le regard que Shayevitz porte sur le monde ; chaque période reprend et enrichit une réflexion qui découle de l'exécution. Car Stéphan est d'abord et avant tout voué au plaisir de peindre et de sculpter, à la jouissance dune création qui sait s'appuyer sans s'abîmer sur une technique parfaitement maîtrisée.

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