Mon Père
semaine du 9 au 16 Mars 2003
J’ai fait une balade Dimanche dans les Puces de Montreuil.
Une foule et de ces étals bigarrés.
Et je suis tombé en arrêt devant une brosse en caoutchouc.
C’était exactement le modèle, la couleur en moins,
de celles que j’avais toujours vues dans les boîtes à gants
des voitures successives de mon père.
De celles que l’on maintient en glissant l’index et le majeur
au milieu de deux branches recourbées dos à dos, comme des parenthèses
Mon père s’en saisissait dès qu’il arrivait à sa destination, quelle qu’elle soit.
Il se penchait vers son rétroviseur, et en deux ou trois coups de main nerveux,
se repeignait, avec une déformation du visage tendu dans cet effort particulier, déformation accrue par un nez cassé dans une bagarre de jeunesse.
Voilà deux caractéristiques fortes de mon père :
Il était bagarreur, bagarreur de la vie, d’une jeunesse dure, de la guerre,
d’être trois fois père trop jeune sans argent sans métier,
d’entreprendre, de bâtir, de réussir, de jouir…
Et il était très coquet, séducteur, jouant du regard et des lèvres.
Il adorait danser, s’habiller, la fête,
les smokings, le caviar, le champagne rosé…
Ses rêves ? Cannes, un bateau, il les réalisa.
Il était généreux et sérieux… et frivole…
Il était dans l’instant, dans l’action.
On lui prêtait plus que ce qu’il possédait…
|